J A M B O R E E 1 9 4 7 - M O I S S O N

Publié le 23/08/2015 sur www.meudon.ecles.fr

CAMP   DES    PASSEREAUX

Par Roger Bosquelle, dit Loup

Au mois de mai 1947, je suis désigné volontaire par le Commissaire du district Paris-Sud, qui recrute des Responsables pour les services du Jamboree Mondial de la Paix qui se tiendra à Moisson en Août 1947.

Toute la Presse relate abondamment les préparatifs de ce rassemblement de 50.000 jeunes venant de tous les pays du monde. Elle souligne l’audace des organisateurs qui, 2 ans après la fin de la 2ème guerre mondiale, alors qu’en France il y encore rationnement alimentaire et pénurie de matières premières, ont le culot de lancer cette entreprise audacieuse.

On apprend au fil des jours que la SNCF va construire une gare spéciale : « ROSNY-JAMBOREE » pour acheminer les délégations et les visiteurs et qu’un train tous les quarts d’heure partira de la gare St Lazare…

Que l’Armée prêtera le petit train de la ligne Maginot, conduit par les soldats du génie. Il sera installé sur le périmètre d’une immense propriété dans une boucle de la Seine près de Mantes.

Que le Président de la République Vincent Auriol inaugurera le JAMBOREE etc…….

Je suis le chef (à 18 ans) d’un secteur du camp des Passereaux qui en comporte une dizaine d’autres.

Installé à la limite du JAM, ce camp accueille les troupes et les patrouilles du Scoutisme Français non seléctionnées pour la Délégation officielle. Leur séjour est limité à 48 heures car les demandes sont trop nombreuses.

J’accueille la Troupe d’Eclaireurs unionistes venant de Nîmes suivie de 10 autres troupes qui laisseront la place à 10 autres 48 h après, dans un certain inconfort ; chaleur intense, douches capricieuses et pour finir « la gale du chêne » : tout le monde se gratte la peau.

Les tentes sont alignées au centimètre près, les tendeurs entrecroisés pour gagner de la place. Pendant 10 jours, j’ai vu un échantillon du Scoutisme Français assez étonnant, plein d’astuces, de vitalité et de gaîté contagieuse bien différent de mon scoutisme de clandestinité.

Le JAMBOREE est une merveille d’organisation : tout ce qui foire semble améliorer les choses ; je n’ai jamais vu le chef de l’ensemble du camp des Passereaux. Mes instructions écrites : accueillir et faire pour le mieux étaient d’une exigence extrême dans leur sobriété.

J’ai donc cherché un dentiste de service pour un Eclaireur de 12 ans et parcourir à cette occasion les services de santé. J’ai vu de loin la  rédaction du quotidien JAMBOREE et de tout prêt 7 cercueils prévus par les assurances, rangés au fond de l hôpital.

J’ai vu le bel ouvrage de charpente réalisé pour le défilé final, les délégations constituant la corde mouvante d’un immense nœud du CARRICK, symbole de fraternité et emblème du JAM.

J’ai vu la foule des visiteurs piétiner dans la poussière, accablée par la chaleur, s’agripper au petit train pour un tour de JAM.

Les nuits et les jours apportent au camp des Passereaux leur lot de surprises : des chefs de patrouille de 14 ans diriger seuls leur troupe, ayant égaré leur chef quelque part.

Une troupe exténuée après 20 heures de train s’écrouler comme un seul homme au milieu du chemin. Le défi d’un scout de 12 ans : monter seul la tente de patrouille en 3 minutes, vrai festival de jonglage avec les mats et les sardines.

Et surtout une merveille de technique, d’organisation et de délicatesse, cette troupe qui arrive au creux de la nuit noire et qui monte des tentes sans lumière, sans aucun bruit, sans dire un mot, pour ne réveiller personne.

Je n’aime pas la police du JAM : un grand nombre de jeep, 4 scouts au foulard rouge dans chacune d’elles. Trop visible, trop arrogante, trop bruyante : l’une d’elle arrive, elle recherche une équipe de guides de France déguisée en Scouts qui camperait clandestinement dans mon secteur, je n’ai rien vu.

Au crépuscule cette police fait du vacarme du côté des « Abeilles ». Ce camp satellite du grand JAM, qui ne figure pas sur mon plan, hébergerait 600 femmes des Services Généraux. Gardé comme un palais Royal, il faut des laissez passer pour y pénétrer.

La coéducation est la grande absente de ce JAM.

J’observe ces troupes si diverses, l’exubérance des unes, le culot, la gouaille, l’ironie des autres, celles de la zone dite libre et les clandestines de la zone occupée, les anciennes d’avant guerre et les toutes fraîches de la libération.

J’écoute le crépuscule, les troupes qui prient, celles qui font silence, celles qui ne peuvent s’endormir.

A coup de trompe à 5 heures du matin, un vieux chef réveille sa troupe et en même temps tout le camp à la ronde. Rien de grave, ce n’est qu’un garçon qui va faire sa promesse ;

« Nous saluons notre frère à l’aube de sa nouvelle route ; c’est notre tradition ».

Je garde le souvenir intense de ces journées où l’amitié et la simplicité étaient si naturelles, et aussi la fraternité en action concrète, le sentiment que rien n’est impossible, avec une sorte de naïveté lumineuse, toujours dans la mémoire.

 




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